S’adapter sans se brûler les ailes – la migration des oiseaux de plus près
À l’heure actuelle, la plupart sont déjà arrivés à bon port.
Après avoir passé une bonne partie de l’été à prendre des forces, c’est en automne que les oiseaux migrateurs prennent leur envol pour rejoindre une maison hivernale.
Rythmée et chaudement préparée, la migration saisonnière intrigue. L’observation des voyageurs du ciel, facilitée par le baguage, atteste régularité et méthode. Depuis bien longtemps, les chercheurs du monde entier s’attachent tant bien que mal à comprendre ces animaux sauvages. Parmi les espèces nomades les plus observées, le canard colvert (Anas platyrhynchos), les hirondelles rustiques (Hirundo rustica) ou encore la barge rousse (Limosa lapponica) tiennent en haleine ornithologues et passionnés tout au long de l’année.
Ces grands saisonniers sont à l’écoute de leur corps et environnement, et pour cause : l’appel du voyage est reçu et perçu à travers multiples stimuli. La température extérieure, la durée du jour, de la nuit ou encore le doux changement météorologique, tous indiquent aux oiseaux qu’il est temps de quitter leur nid nordique. Et en amont de tout cela, pendant les mois les plus chauds, ces fins migrateurs préparent méticuleusement leur grand périple : ils tentent d’accumuler les graisses nécessaires pour constituer une réserve qui assurera leur survie.
Car oui, la migration n’est pas le résultat d’un choix, mais bien une condition de survie. Fuyant un hiver peu nourrissant et accueillant, ces volatiles mettent en action leur stratégie d’adaptation. Quitter un lieu familier, quitter toutes ses habitudes, quitter sans se retourner n’est pas une partie de plaisir. De même que voyager sur réserve, parcourir des kilomètres par centaines, traverser des zones hostiles tout en gardant le cap ne va pas sans difficulté. La migration bouscule et déchire de la même manière qu’elle sauve. Au milieu de tout cela, l’arrivée du temps froid semble reculer voire devenir de plus en plus incertaine, augmentant ainsi les contraintes et pouvant fausser les informations perçues. Préparation et traversée se font donc sans facilité.
Mesurant 16 à 18 centimètres et pesant entre 100 et 120 grammes en période pré-migratoire, la caille des blés (Coturnix coturnix) est l’un des plus petits oiseaux migrateurs observés. Capable de traverser des milliers de kilomètres à faible altitude, cet oiseau fait face aux multiples facettes de l’exercice migratoire : changements météorologiques, acidification des zones de refuge sahariennes, intensification de l’agriculture et extension de l’utilisation de produits chimiques sur les sols empêchent les cailles des blés de prospérer. La population des longs migrants ne ferait que décroitre.
D’ailleurs, les oiseaux ne sont pas les seuls à migrer. À la différence d’autres espèces, ce sont en revanche ceux qui se déplacent le plus loin et toujours en groupe. Ensembles, dans l’adversité de la traversée, ensembles dans la félicité de l’arrivée.
Et vu de la Terre, les migrateurs nous offrent de merveilleux ballets dans le ciel. Ils fascinent et semblent si libres : pas de frontière, pas de barrière, ils déambulent groupés dans les airs.
Pour les préserver, nombre de zones de protection, d’abris et de mesures ont vu le jour. Points d’étape ou terres d’accueil pour quelques mois, ces terrains participent à adoucir le périple et favorisent les nouveaux nids. Si nous ne pouvons pas prévenir les va et viens de chacun, l’observation et la connaissance de toutes ces composantes nous permettent cependant d’agir à différentes échelles pour aplanir le dénivelé du parcours.
Par Andréa Losi