Brisons la glace : du côté de l’ours polaire
En cette période hivernale, le froid, la brume, le paysage blanc nous transportent dans un univers aussi glacé que tranquillisant, invitant presque à mettre entre parenthèses les exposés et certitudes liés au réchauffement climatique le temps d’une saison. Et pourtant, au nord comme au sud, la glace continue de fondre.
Cette armure de glace qui recouvre la surface de l’eau a pendant longtemps été un symbole de solidité et se retrouve aujourd’hui parcellisée, transformée, en partie liquéfiée. L’ours blanc, de la famille des ursidés et aussi appelé ours polaire, en est le principal témoin. Au beau milieu du Grand Nord, l’animal, surnommé « le plus grand chasseur terrestre » voit le sol se dérober sous ses pattes. Omnivore et survivant aux températures glaciales grâce aux fruits de son hibernation et de ses chasses aux phoques, l’ours polaire se retrouve aujourd’hui confronté à une double difficulté : celle de dénicher ses proies sur une banquise qui régresse d’une part, et celle de garantir sa survie en tant qu’espèce d’autre part. Selon certains, sa population serait vouée à diminuer considérablement d’ici 2050, voire à disparaitre. Classé parmi les espèces les plus menacées selon le Endangered Species Act, l’ours polaire est devenu une des figures de proue de la cause environnementale ainsi qu’un objet d’études du réchauffement de la planète.
Cependant, si les spéculations et exemplifications ne cessent de croître autour du roi de la banquise, rares voire inexistantes sont les occasions de tomber nez à nez avec, d’arpenter le pôle nord, et de se confronter à ses problématiques — qui pourtant sembleront bientôt être nôtres. Loin et proche à la fois, le réchauffement climatique, tout comme l’ours polaire, suscitent beaucoup d’émotions, parfois de vives discussions, mais aussi des contradictions. Et pour cause : dans un monde de télécommunications, le flux d’informations en continu distrait et disperse. Le risque de passivité face à ces situations inédites est ainsi tangent. Distance et romance peuvent s’entremêler avant d’être oubliées. Qui plus est, si l’on emprunte une autre paire de verres, la narration varie. Pour les populations du cercle polaire, lesUrsus maritimus ne seraient non pas en voie de disparition, mais leur nombre serait stable, voire augmenterait. Premiers réfugiés climatiques, ils se rapprocheraient des villes à la recherche de nourriture et taquineraient les Inuits.
En tout état de cause, l’émission de carbone y est pour quelque chose, et en tout cas la modification profonde des habitudes de l’espèce et sa tentative d’adaptation dans un monde mouvant, sur un sol changeant devenu friable, doit nous alerter sur l’urgence de la situation.
Après tout, l’observation, distancée à défaut de pouvoir être réelle, serait donc essentielle. C’est à travers des images, textes, documentaires, que l’ours polaire est devenu symbole du dérèglement climatique et de ses conséquences désastreuses, que sa condition discutée a été relayée. Loin de banaliser une situation, observer permet de se confronter. À défaut de pouvoir croiser le regard d’un ours blanc pour de vrai, l’observation, même distante et dans une approche contextuelle et documentée permet de s’émerveiller, de s’émouvoir, et d’allumer ou raviver la flamme de l’engagement pour aller plus loin : recoller les morceaux flottants.
Par Andréa Losi